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Pluie Nocturne
Pluie Nocturne
  • Veuillez sortit les étoiles de vos poches, de vos cheveux, de vos yeux. Tout ce qui brille, vous le déposez dans le sac en plastique : vos sourires, vos souvenirs, vous n’en aurez plus besoin là où vous allez maintenant.
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3 juin 2007

Lola Rimbaut et le reste

Au(x) singulier(s), A toutes les Singulières

"-Lola est trop bizarre..."
Cette phrase , je l'avais entendue toute l'année à n'importe quelle occasion.
J'avais fini pas m'habituer à ce que les garçons et les filles de ma classe me trouvent "bizarre" pour faire partie de leur bande , tout en sachant pas vraiment ce qu'ils voulaient dire par là.
Alors j'ai cherché.
Et la définition que donnait le dictionnaire du mot "Bizarre" ne m'a pas du tout réconfortée.(...)
Ces filles et ces garçons de mon âge ne paraissaient n'exister qu'au pluriel.Ils aiment les mêmes films, les même bars, les même chansons. Ils étaient heureux de se ressembler, de se connaître l'un miroir de l'autre.Ils employaient les mêmes mots pour parler des mêmes choses.Tout était "trop cool".
Heureusement depuis quelques mois, j'avais trouvé une aide , presque un ami.Une personne dont la présence était comme une couverture qui me protégeait du vent , des pluies et des phrases coupantes. Mon probleme majeur était que cet ami était mort depuis plus d'un siècle, en 1891, très exactement.
Alors qu'il avait 16 ans, cet ami d'outre-tombe avait écrit:
Je ne parlerai pas je ne penserai rien:
Mais l'amour infini me montera dans l'âme,
Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien...
(sensation)
Au printemps, j'ai lu tout ce que je trouvais concernant la vie de Rimbaud.
Ce garçon absolument particulier avait, entre quinze et dix-neuf ans, écrit ce qu'il avait à dire au monde. Il inventait , et devinait ce que les autres, les adultes autour de lui, ne savaient, même pas encore.
Il voyait plus loin.
Puis, après avoir changé la couleur des mots pour l'éternité, il s'était tu.
Voilà tout ce qui tournait dans ma tête, en Juillet de cette année-là, quand je suis partie en vacances vers les Landes avec mes parents et ma soeur.
Les vacances commençaient,moi je continuais à être triste d'être triste.
Moi je voulais aller voir, je ne savais pas quoi, juste aller à la rencontre d'autre chose, avoir le vertige d'un autre possible, d'autres rues, d'autres sourires.Je voulais plein de choses que je ne savais pas dire.
Je voulais m'en aller pour toujours peut être, et qu'on ne m'oublie jamais.Et aller vite, courir, aimer des êtres que je ne connaissais pas encore.Je voulais être vivante tout le temps , même si ça faisait assez mal. Ne jamais dire " C'est comme ça , c'est normal".
Et par hasard, rencontrer un garçon silencieux, avec des yeux verts par exemple, qui m'aurait comprise,il m'aurait expliqué qui j'étais.(...)
J'ai soudainement su très clairement que je voulais plus plus plus que tout ça.
Ma mère m'a regardée sans répondre
-Il y a plein de gens comme toi Lola.La seule chose c'est qu'il va falloir que tu les cherches peut-être un peu plus longtemps.
Ce soir-là je suis restée seule.Je n'étais plus vraiment triste.J'étais consciente qu'il s'agissait d'un été où je choisissais une petite route plutôt qu'une autre.
Je ne me souviens plus si c'est le lendemain de la discussion avec ma mère ou un peu plus tard.
Sur mon lit , posé là, un cahier Rouge.
Je l'ai ouvert avec précaution comme s'il appartenait à quelqu'un d'autre.
Toutes les pages étaient blanches.Ce cahier était neuf.
Alors, à la toute première page, j'ai vu quelques lignes.C'était la petite écriture douce de ma mère.
"Je sais que tu es triste, Lola, et je m'en veux de ne rien pouvoir faire pour changer tout ça.Voilà un cahier auquel tu parleras peut être plus qu'à nous."
J'ai fermé le cahier.
Puis, cette nuit-là, je l'ai rouvert.
J'ai écrit la date, l'heure.J'ai raconté à moi-même ces pensées qui s'entrechoquaient dans ma tête depuis des mois et qui avaient finies par laisser des bleus partout.Ca m'a paru un peu étrange de faire ça, mais juste avant de m'endormir j'ai constaté que mon coeur avait l'air de s'être assoupi, apaisé.Je l'ai bordé.Il a souri.
Les vacances se sont terminées aux premiers jours de Septembre.
Quand je suis rentrée dans la cour du lycée, j'avais mon treillis noir et un pull que je venais de trouver aux fripes.
J'ai dépassé un groupe et j'ai entendu."Alors tu te l'es fait?"
Je ne "m'étais fait personne" cet été là.Peut être que j'attendais d'utiliser d'autres verbes, comme "être".(amoureuse.) Ou "avoir"(envie).
Une fille m'a interpellée:"Eh Lola,  t'as pas une clope?"
Je savais qu'elle savait que je ne fumais pas "Non je ne fume pas, toujours pas"
Je les ai regardé n'être rien du tout , vraiment rien d'intéressant, au pluriel, tous photocopiés les uns aux autres. J'ai glissé la main dans mon sac, j'ai effleuré mon cahier rouge, avec sur la première page l'écriture de ma mère qui me poussait juste à arrêter de regretter d'être celle que j'étais.
120 pages.
Et j'ai inventé ma vie à moi.

Singulier:Qui ne s'applique qu'à  un seul, sans pareil, unique.Qui se distingue par quelque chose d'étrange

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